Discours de M. Normal !

Article

Mesdames, Messieurs, bonjour ! Je me présente, je suis M.Normal. Je suis très honoré d’être ici aujourd’hui.

Pourquoi la norme existe ? La réponse la plus basique, peut-être simpliste, en tout cas rapide que nous avons trouvé c’est qu’elle est un outils de socialisation. L’humain a besoin de se sentir d’appartenance à un (ou des) groupe, pour évoluer. Ce qui engendre un ensemble de codes qui permettent de nous reconnaître, en quelque sorte, donc une norme.

On a choisi, d’aborder principalement les normes systémiques, celles du système dans lequel on vit, les grosses normes, celles de la masse.

On ne va pas ici, remettre en cause l’existence de la norme mais la cibler et parler des conséquences de celle-ci. Conséquences et enjeux pour et sur le système économique, l’agriculture, sur le travail, l’organisation de tout, administrations, manière de vivre, de se loger, d’agir, de se déplacer… donc sur nous. Les conséquences pour nous.

Tout au long de ce week-end on va essayer d’approfondir un peu plus en détails ma présentation ; essayer de comprendre, d’analyser, les éléments qui construisent cette norme dans laquelle j’évolue, que je subi et que j’alimente en même temps. On va être amené à se questionner, sur soi, sur les autres, le système, si on a envie.

Voilà pour ce week-end.

 

*déambule tranquillement. Grande inspiration*
Ha !!! On est bien là non ? J’me sens bien. J’suis à l’aise avec vous. C’est chouette !
*se déplace pensif*
 J’suis à l’aise dans un peu près tous les espaces tu m’diras. C’est vrai, j’sais pas comment vous dire, c’est facile. Tout autour de moi me ressemble. Les choses sont adaptés, les gens me correspondent. Je partage du commun avec eux. Je le sens. C’est facile d’établir de la complicité. On a les mêmes codes, les mêmes blagues. C’est d’ailleurs ce dont j’ai besoin je crois, le commun, pour me sentir à l’aise. Sans vraiment m’en rendre compte. Quand je dis qu’on se ressemble, j’entends qu’on partage la même culture, et par là, j’entends la culture large, la culture blanche, la culture judéo-chrétienne. Que je sois, croyant, pratiquant un peu pas du tout, je suis dans tous les cas imprégné par cette culture. Je sais pas, quels exemples vous donner, qui montrerait à quel point on est imprégné de notre culture, tellement ça nous parait évident que les choses sont comme ça, mais qu’en fait c’est juste pour nous les occidentaux. Jsais pas vous avez des idées ? (il attend un peu en regardant le public, sans vraiment s’attendre à une réponse). Le sacrifice, la privation. La bienséance. La famille nucléaire ! Ha ça c’est l’exemple parfait. Une famille, un foyer. Un homme et une femme. L’injonction du couple. Avoir des enfants, dans ce foyer. Ça nous paraît peu envisageable autrement, mais c’est culturel ça, vraiment. Bref ! J’ai besoin de commun, c’est normal, l’être humain est sociable. Et il se trouve que dans beaucoup beaucoup, beauuuuucoup d’espaces, je suis sûr, que je vais trouver des gens qui me ressemble. (je ne me pose même pas la question d’ailleurs). Donc je suis à l’aise. Et mettons ! Mettons je me retrouve dans un endroit où il n’y a aucune personne qui me ressemble et qu’en plus eux partagent la même culture, et qu’elle n’a rien à voir avec la mienne, et ben même là, MÊME LA ça va ! Je me sens à l’aise d’intervenir dans les discussions,  apportant aide, éclairement et solutions, d’émettre mon avis, voire de le considérer comme supérieur, même inconsciemment. Mais oui, parce que j’ai intégré depuis de longues longues années, que ma culture est légitime. C’est les conséquences directes des empires occidentaux avec leur logique coloniales et tous les imaginaires de supériorité créés autour qui vibrent encore en moi alors que j’étais même pas né. C’est vrai ! Partout toujours on me montre que je suis légitime.

Alors, pourquoi je suis autant à l’aise partout ?

 

*il énumère*
Je partage la même culture que la plupart des gens. Ok. Je suis blanc et la plupart des gens avec qui je traîne, dans mes réseaux aussi.

Quoi d’autre ?
*continu d’énumérer avec les doigts*
Je suis cisgenre, autrement dit mon genre est conforme au sexe que l’on m’a assigné à la naissance, autrement dit je me sent mec, j’ai une apparence de mec et j’ai uniquement des attributs sexuels masculin. Je suis hétérosexuel.
*en énumérant*
Tous les héro de films sont hétéro, cis, et blanc
*en disant blanc d’un air, bon ça je l’ai déjà dis, c’est évident !*
Ils ont les mêmes problèmes que moi, les mêmes pratiques sexuelles, les mêmes enjeux de vie : couple, ascension social, amis, travail, famille… Depuis ma plus tendre enfance, jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours pu trouver réponse à mes questions, j’ai toujours eu des modèles qui me correspondaient. Dans les dessins animés, album jeunesse, film, revues, bouquins, et publicités à tout va. Le petit garçon, blanc, avec ses nombreux copains (et une amoureuse sous le coude), qui entreprennent, osent, partent à l’aventure, ont de l’ambition, réussissent.
*il met en scène quelqu’un d’intrépide en même temps qu’il parle*
Y’a pas d’lézard c’est pas un hasard si aujourd’hui j’ai réussi dans ma carrière, que je me suis épanoui dans une vie de famille, dans mon cercle d’ami, dans le milieu associatif si facilement.

Aujourd’hui j’ai la 50aine, je suis marié avec 3 enfants, j’ai évolué très vite et brillamment dans ma carrière, bien plus aisément que mes collègues femmes, ou que mes collègues non blanc, y’en a eu très peu de toute façon lorsque que je suis parvenue à de hautes responsabilité. Le bureau, les 35h, ça me va sans problème (je l’ai intégré facilement à l’école * en confidence* ).
Même avoir un patron ne me pose  pas de problème, la hiérarchie c’est normal et puis, entre nous, j’ai tellement l’occasion d’être moi-même patron, de décider, grâce à mon argent, mon influence, ma reconnaissance, etc. J’ai les moyens. Les moyens pour me faire bien voir, pour vivre confortablement.

Ok, quoi d’autre ? Je suis valide. Je n’ai pas besoin d’aide pour me déplacer, je ne souffre pas douleur chronique, je vois, je parle, j’entends… Je mesure 1,78m, 75kg, 43 de pointure. J’ai pas de mal à m’habiller ou me chausser, c’est la taille standard. Les sièges des bus, la hauteur des guichets administratif, les escaliers, les voitures bref tout est ok. Je ne suis pas particulièrement gêné ni par mon poids, ni par ma taille. Donc, je me sens plutôt à l’aise dans mon corps, le regard des autres ne me gêne pas et me renvoie plutôt des sensations positives sur mon physique. Je plais. Ha et jsuis majeur aussi ! Le monde entier est organisé et reconnu par et pour les adultes. C’est plutôt confortable de l’être, je dois dire. Petit exemple parmi tant d’autres, en tant qu’adulte je peux faire n’importe quelle réflexion à un enfant, en sachant que ça aura un impact, et ignorer n’importe lequel de ses commentaire (le fameux “parce que c’est comme ça, c’est moi qui décide” ou “tu comprendras quand tu seras plus grand”).

 

Bref voilà j’arrive sur la fin de ma présentation, c’était déjà beaucoup !

Bien sur c’est pas parce que j’ai tous ces privilèges, que la vie est facile et qu’il ne m’est jamais arrivé de problèmes, des instants très difficile… Loin de là.

Juste pour terminer j’aimerai vous raconter une petite anecdote.

Il m’est arrivé une ou deux fois, lors d’un quelconque déplacement de passer, à pied, dans un quartier, où les personnes y résidant partagent une culture complètement différente de la mienne. Et ben… j’me sentais pas en sécurité, j’avais pas de repères, c’était pas mes codes, j’me sentais seul, ouai, j’étais pas à l’aise.

Une ou 2 fois ça m’est arrivé. Mais je n’ai qu’à faire un petit détour pour l’éviter. C’est facile. Un tout petit détour.
*il mime le détour en sifflant et en se cachant les yeux*
Je peux toujours m’arranger pour ne jamais y être confronté. Moi. A tout ça.

 

C’est maintenant que je me pose la question, moi, à qui cela est arrivé que quelques fois.
*d’un air pensif*
Qu’en est-il lorsque c’est tous les jours ? Dès lors que tu poses le pied dans la rue. Que tu sent bien que c’est pas tes codes. Que t’es pas le bienvenu. Que si tu veux progresser incognito dans ce monde il faut les avoir, les intégrer sinon tu te fais vite remarquer. Il faut leur ressembler. Quand le monde entier autour de toi te le fais sentir que tu n’es pas à ta place. C’est parfois imperceptible. Les pansements couleur peau, (où c’est marqué « couleur peau » sur la boite !) et ben… c’est quelle couleur ? Hein ?
*l’air ahuri, mime qu’il faut intégrer l’info*
Il existe certainement des milliers d’exemples imperceptible (pour moi) comme ceux là. Dans tout ! La norme est partout, dans les pubs, les aménagements, l’organisation des choses, les administrations, le travail, les manières de se mouvoir, de s’habiller, de se parler, de se regarder. Les gens. Les gens et leurs regards qu’ils posent sur toi, froid, incrédule, interloqué, choqué, curieux, furieux, fuyant, inquiet, dégoûté… Quand ta vie entière est une lutte pour simplement exister, résister à te faire écraser par une société entière qui te cri, tous les jours que tu n’es pas ici chez toi. Que tu n’es pas à ta place. Parce que tu n’es pas blanc et que tu ne fais pas partie de cette culture, que tu n’as pas les même codes, les même goûts, que tu n’es pas dans la norme corporelle, dans la norme de beauté, que tu fais des choix bizarre, illégaux, que tu n’es pas hétérosexuel, que tu n’es pas un homme, que tu n’es pas cisgenre, majeur… Que tu es hors norme. QUE TU ES QUEER.

septembre 2019

Poster un Commentaire

avatar